Penser la santé de tous pendant et après la crise

Avec le tsunami médiatique qui nous submerge, il est aisé de percevoir que la santé publique est fondée sur deux modalités d’action distinctes :

  • le régime d’exception qui est activé en cas de crise sanitaire comme celle que nous connaissons actuellement et qui organise la réponse à une menace spécifique, y compris en limitant la liberté des individus ;
  • le régime ordinaire qui s’appuie sur des interventions sur les multiples facteurs environnementaux, sociaux et individuels qui conditionnent la santé. Il s’agit ici de créer les conditions de la santé de tous, en référence à une large variété de cultures, de contextes, de rapports individuels et collectifs à la santé. La majorité de ces déterminants de la santé relevant d’autres champs que le système de soin, promouvoir la santé et réduire les inégalités nécessite la mise en œuvre d‘approches intersectorielles cohérentes.

Si les règles et les modes de fonctionnement qui caractérisent ces régimes sont différents, dans les deux cas, les questions éducatives y jouent un rôle majeur. En effet, la santé et l’éducation sont des domaines inextricablement liés. Le niveau d’éducation est l’un des principaux déterminants de la santé des personnes et inversement la santé et le bien-être constituent des conditions nécessaires à la réussite éducative tout au long de la vie. Les données de la recherche montrent qu’il existe un lien étroit entre état de santé et capacité pour une population de trouver, comprendre, évaluer et utiliser les informations pour prendre en charge sa santé (ce que l’on appelle généralement la littératie en santé). Il a été également montré que les inégalités sont de ce point de vue très importantes. Qu’il s’agisse de connaissances, de capacités, de prise de conscience et de compréhension d’enjeux complexes, de jugement critique et de compétences en action, plus d’un tiers de la population en Europe éprouve des difficultés significatives. Nous ne sommes pas tous égaux devant les fake news.

Comment améliorer la santé et réduire les inégalités concrètement et de façon durable sur le terrain, notamment dans les espaces les plus désavantagés, telle est la problématique centrale de la chaire et de sa communauté*. Au-delà de l’observation des comportements (la science des problèmes), il s’agit de renforcer et structurer les dispositifs de production de connaissance sur les organisations qui permettent d’améliorer la santé là où vivent les gens (la science des solutions). Il existe une grande richesse à la fois de pratiques (dans différents milieux et auprès de publics variés) et de données de recherche mais la perspective est souvent ce que l’on appelle le “solutionnisme” – il y a un problème, il y a une bonne solution, nous devons juste l’implanter. Au-delà de cette approche, la chaire et les équipes de recherche qui y sont associées travaillent à identifier les mécanismes de transformation au sein des différents milieux concernés (villes, écoles, clubs sportifs, lieux de travail…). Aujourd’hui, la priorité est d’améliorer la qualité de l’environnement et des services rendus plutôt que de tenter d’implanter une intervention universellement efficace. Autrement dit, au-delà de la science de l’implantation, il s’agit de développer une véritable science de l’amélioration en contexte avec les personnes concernées. On ne fait pas la santé des populations sans elles.

Ce renouvellement des pratiques de santé publique passe par la création de nouveaux écosystèmes de production et de partage des connaissances au service de l’action. C’est ce à quoi la Chaire UNESCO et centre collaborateur OMS « EducationS & Santé » s’attache aujourd’hui, dès lors que l’ambition est d’améliorer la santé de tous et de réduire les inégalités.

Dans le contexte actuel, la chaire est fortement mobilisée à la fois au sein du groupe de travail de la section Promotion de la Santé de l’OMS à Genève et dans la production d’outils pédagogiques et d’accompagnement. Pour plus d’informations : Continuité pédagogique COVID-19 : soutenir les enseignants et les familles

A ce sujet on peut se référer au texte de la société française de santé publique : Une pandémie qui interroge les valeurs de la santé publique.